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vie successive qui, seule, est saine et logique. Pourquoi, lorsque, de jour en jour, tout en nous se transforme, s’acharner à rechercher, malgré nous, malgré le courant qui nous emporte, les éternellement pareilles sensations !… Pourquoi nous efforcer de retenir absurdement ce qui s’enfuit !… — Pourquoi ne pas vivre une existence de phases différentes, toutes bonnes également lorsqu’on sait les goûter. — Pourquoi, après l’insouciance de l’enfance, ne pas savourer l’amour chaste de l’adolescence, puis accueillir l’entraînement sensuel, qui le suit logiquement, en jouir pleinement, mais sans pour cela s’y accrocher désespérément. — La maternité, la paternité s’offrait à vous… il fallait l’accepter, en découvrir, en comprendre le bonheur…, puis, ensuite, vous laisser aller à ce courant naturel, qui pousse l’être humain ayant atteint son développement complet vers l’intérêt qu’offrent les matérialités de l’existence, de la carrière embrassée, et les élans de la pensée…

Suzanne ne suivait qu’à moitié la pensée d’Henriette qui, confusément, la révoltait.

— Nous sommes jeunes, il nous faut aimer !… Et, d’ailleurs, quel attrait aurait la vie si l’on en supprimait l’amour ! Il n’y a que l’amour qui nous rend capables d’enthousiasme, de dévouement, de grandes choses !…

Madame Féraud s’exaspéra :

— Redites, mensonges, faussetés !… L’amour n’est que le besoin sensuel qu’éprouvent naturellement les êtres à certaine période de leur existence !… Mais, cette sensualité qui n’est qu’un accident, il est néfaste et absurde d’en prolonger la durée, d’en exaspérer l’intensité en l’habillant d’oripeaux sentimentaux !… Toute votre misère de cœur actuelle, ma pauvre Suzanne, vient de ce que vous et votre mari êtes persuadés, comme la plupart de nos contemporains, que l’amour tient avec justesse