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qui, la plupart du temps, n’ont aucun écho le lendemain, et qui, souvent, détraquent pour toujours l’auteur débutant. Il est difficile de ne pas se croire du génie lorsqu’on a été sacré dieu tout un soir.

Robert Castély n’avait pas bougé de sa place, aussi bouleversé que si la pire des catastrophes eût fondu sur lui ; persuadé stupidement que ce beau rêve allait tout à coup se muer en cauchemar, les sifflets se substituer aux bravos ; le cœur retourné après chaque réplique, croyant que la mémoire allait manquer aux acteurs, qu’ils oublieraient leurs effets, que Mady allait tomber en attaque de nerfs ou Caula se mettre à ricaner soudain et à adresser une déclaration aux loges…

Il semblait, en cet instant de suprême émotion pour le jeune auteur que tout l’alcool moral et effectif absorbé durant ses sept à huit années de vie parisienne bouillonnât en son cerveau et le mit en état d’insurmontable démence.

Lorsque le rideau, tombé sur des applaudissements soutenus, se releva, afin que Jacques de Caula, vint, avec sa grâce élégante, jeter le nom de l’auteur à la foule ; on acclama bruyamment Castély.

Le jeune homme, revenu à lui, dégringola précipitamment de son perchoir et gagna les coulisses comme un fou.

Une habilleuse l’arrêta mystérieusement :

Mademoiselle Jaubert fait dire à Monsieur qu’elle va descendre tout de suite, et qu’il l’attende par l’entrée du passage.

Surpris, Robert répondit machinalement : — Bien…

Et il manœuvra pour échapper aux manifestations de cette foule d’amis qu’un succès fait éclore dans le terreau littéraire.

Les cinq grandes minutes pendant lesquelles il atten-