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— Votre tâche de souffleur ne sera qu’une sinécure, dit-elle, car nous savons déjà parfaitement cette scène, Jacques et moi.

Il parut à Robert, révolté, que Mady avait un accent de douceur inusité pour prononcer ce nom de Jacques. De Caula s’était reculé. Quelque chose d’indéfinissable s’était répandu sur ses traits. Il n’était plus lui ; il ne marchait plus en cette chambre ; il jouait, transporté en un monde de convention et de rêve où, Mady elle, aussi instantanément, s’était élancée : ses beaux yeux non pas ternis mais embués d’un mystère troublant.

La scène d’amour commença entre léssous et Magdala, dite en entier, puis reprise dix fois, semblable toujours, et pourtant grandissant chaque fois en force et en émotion en le silence absolu de la chambre, où deux lampes voilées d’abat-jour projetaient sur le couple quasi divin des lueurs inégales, mettant en valeur, suivant leurs gestes, tel pli de leur vêtement, telle partie de leur visage, telle place nacrée ou doucement ombrée de leur chair nue.

La grâce de leurs bras dévoilés était remarquable chez tous deux ; la fragilité menue et longue de ceux de Mady était d’une beauté inouïe lorsqu’elle s’enroulait à la vigueur mate, sans exagération musculaire, de ceux de Jacques. Et leurs étreintes, avaient une volupté indescriptible, à cause de la demi-nuit, de l’intimité close de la pièce étroite, du mutisme et de l’immobilité des deux hommes présents, domptés par un obscur sentiment, où une inavouable joie sensuelle étouffait leur jalousie instinctive et leur égoïsme individuel.

Avec la volupté froide, pour ainsi dire cruelle, qui était en lui, Jacques de Caula attisait l’émotion ardente qui montait de leur duo, opposant à la passion brûlante des tirades que Mady traduisait avec une violence tout