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rait, que Mady jouerait, des grands théâtres que tous deux aborderaient ensemble, comme des fiancés parlent entre eux des années futures, liées et communes.

Quelque chose d’enfantin, de touchant s’était épandu en eux. Ce n’étaient plus l’écrivain et la comédienne déjà déflorés, fanés, brisés par la vie parisienne, mais un homme et une femme jeunes, obscurément poussés vers les tendres étreintes, vers l’éternelle illusion des faits et des êtres…

Cette fois, il la suivit chez elle sans qu’elle protestât, sans qu’elle eût l’idée qu’il pût en être autrement.

La solitude discrète et tiède du petit appartement, où régnait l’odeur de la femme, qui seule, l’habitait, les enchanta.

On est adorablement bien chez vous, dit Castély, qui allait et venait de la chambre au cabinet de toilette et au salon, sans gêne pour tous deux, en une liberté d’allures qui leur semblait naturelle.

Pour la première fois, Madeleine parla de son père, de son enfance à Robert. Elle lui montra une foule de ces vieux portraits d’un ridicule touchant, de ces petits souvenirs insignifiants ou saugrenus qui, indifférents d’abord, gardés le plus souvent par hasard, à mesure que les années s’écoulent, deviennent précieux aux âmes les moins sentimentales épaves du passé, parcelles d’un « soi » qui s’émiette implacablement.

Dans la griserie délicieuse, délicatement amoureuse où ils se laissaient glisser, il n’y avait aucun élan sensuel précis, aucun brutal désir. Il semblait que la suprême émotion artistique de tout à l’heure eût satisfait, en sa tension et son effort physique et psychique, tout le côté matériel de leur être, eût épuisé leurs forces corporelles, alangui leur individualité de muscles et de chair au point que seule demeurait active et libre leur intellectua-