Page:Pert - Charlette.djvu/99

Cette page n’a pas encore été corrigée

par le voisinage du fils Collard-Menier. Celui-ci, le nez dans son assiette, s’ennuyait ferme, bien que correctement. Il supputait avec mélancolie qu’entre son coucher probablement tardif, et son lever matinal pour se remettre à l’étude forcée de son violon, il aurait à peine cinq heures de sommeil.

Depuis le commencement du repas, Eugène Lechâtelier cherchait en vain à dérider Charlette, silencieuse et soucieuse, stimulé par les regards impérieux que lui lançait sa mère, singulièrement intimidé auprès de cette jeune fille si différente de la banalité mondaine qui lui était habituelle.

Blond, de taille moyenne, évidemment destiné à l’obésité, c’était un homme de trente ans, de physionomie incertaine, où une indécision, une timidité faisaient place parfois à un éclair dur et déterminé. — Toute sa nature était là. — Faiblesse ordinaire, et, par à coups, audace excessive, comme folie du péril. Deux fois déjà, en des entreprises imprudentes, il avait compromis la fortune que lui avait laissée son père, un sénateur enrichi dans les affaires que sa position lui permettait de soutenir ; deux fois aussi, il avait rétabli sa situation par des opérations heureuses. Il avait la réputation d’un pusillanime et d’un casse-cou. Les hommes sérieux s’écartaient de lui en haussant les épaules ; il était au contraire fort apprécié de tout ce qui barbote dans les affaires douteuses, ce qui le désolait,