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silhouette de l’ami mort restait confuse devant ses yeux… et la Belle d’alors, si svelte, si jeune, si aveuglément admirée, lui paraissait une créature tout autre que l’amie d’aujourd’hui, toujours chère, certes, mais dont les défauts, le manque de cœur et d’esprit ne lui étaient plus voilés par la folie de l’amour dans la première jeunesse.

Moins de vingt ans, et nulle poussière ne demeurait plus de Pierre… le mari se mourait, rongé de désespoir, Belle n’était plus qu’une coquette sur le retour — et Charlette, cause du drame, était presque une femme, à la veille, elle aussi, de connaître les angoisses de la passion…

Il s’arrêta devant la jeune fille et la contempla longuement.

— Qu’as-tu donc, Samela ? demanda-t-elle avec tranquillité.

Il frotta son front et ses yeux, comme pour en chasser la vision qui le troublait.

— Rien… mon tableau m’ennuie.

Il allait reprendre sa promenade, songeur ; elle le rappela :

— Regarde mon dessin.

Il examina la feuille, s’y intéressant peu à peu. Et, avec un étonnement :

— Mais, sais-tu, petite fille, que ce n’est pas mal du tout ?…

Elle sourit ; et, quittant son tabouret, apporta avec