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pouvoir sur la masse, tout en le haïssant, sachant trop qu’il ne l’obtenait qu’en se faisant l’esclave de ses goûts, quels qu’ils fussent.

Quant à la foule des littérateurs, des artistes, des critiques, il fouillait aisément en l’âme de tous, et souriait avec dédain à chacun des applaudissements, à chacune des poignées de main. Ceux-là le pénétraient, le jugeaient plus ou moins justement, mais tous étaient forcément ses complices, pour des raisons différentes : vénalité, prudence ou indifférence. Il se savait toléré des uns à cause de son attitude impeccable, son attention à ne jamais manger le pain d’autrui, en empiétant dans la « spécialité » exploitée par l’un ou l’autre de ses confrères. Il était ménagé d’un grand nombre à charge de revanche, pouvant autant contre la réputation des autres que l’on pouvait contre lui. Beaucoup le craignaient, car il avait prouvé que, quoique n’’attaquant jamais, il avait la riposte prompte et cruelle. Enfin il tenait la plèbe littéraire par l’intérêt : tout écrivain arrivé traînant une suite de non-valeurs qui lui font cortège afin de se réclamer de lui et de refléter dans leur facettes complaisantes quelque chose de sa notoriété.

Mais, dans cette foule aux grimaces fausses, abandonné de tous et de lui-même, puisqu’il n’avait pas même l’illusion de cette gloire dont il évaluait à un centime près le prix en monnaie d’argent, de chair