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FEMMES ARABES

une armée de mille hommes. Il assista et se signala aux guerres qui pendant si longtemps divisèrent et agitèrent les Bekrides et les Tarlabides. Il était alors plus que centenaire, et néanmoins, dans les luttes acharnées de ces deux puissantes tribus, il fut le fléau des Tarlabides. À la rencontre qui fut appelée la Journée de la coupe des toupets[1], il avait avec lui ses deux filles, lutins endiablés, comme ces lutins pétulants qui courent le monde et se réjouissent à taquiner, agacer, berner tout être qui vit. Au fort du combat, et lorsque le succès semblait chancelant, une d’elle se déshabille, jette ses vêtements, se met presque toute nue ; et, soudain, se précipitant au milieu de la troupe des Bekrides, elle crie de toute sa voix ces vers improvisés :

« A l’ennemi ! à l’ennemi ! à l’ennemi !
« Chauffez la bataille, serrez la mêlée.
« Les hauteurs sont inondées de leurs escadrons.
« En avant donc ! honneur ! honneur
« A qui, en cette matinée, s’habille du matin de cette bataille (c’est-à-dire qui en cette matinée fonce au milieu de l’ennemi) ! »

L’autre fille de Find, se dépouille aussi de ses habits, et presque toute nue se précipite devant la troupe, en criant ces vers que lui inspire le fracas de la bataille :

« Allons, nos guerriers ! fondez sur eux, et nous vous embrasserons à pleins bras ;
« Et nous vous préparerons une couche aux coussins moelleux.
« Si vous fuyez, nous vous fuirons
« Comme des hommes indignes d’amour. »

La mêlée devint furieuse. — Un appelé Aûf fils de Mâlik aida encore au succès de ses compagnons par une résolution

  1. La plus grande humiliation qu’on pouvait faire subir aux prisonniers, était de leur couper le toupet et de les renvoyer, libres, montrer leur défaite à leurs contribuless, etc.