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AVANT L’ISLAMISME

qui s’est élevée sur un sol toujours chatoyant de mirages inabordables, toujours mouvant et fuyant sous le pied, enveloppé à chaque moment de tourbillons étourdissants. Comment rendre, avec une tournure française, cette vieille prose scandée, ces rimes, ces allitérations et assonances qui bruissent d’une si piquante harmonie, ces mots si gonflés de sens, si réfractaires à toute version ? Parfois cela donne le vertige. Mais j’ai fait ce que j’ai pu ; j’ai pensé qu’il était bon d’exhumer, du désert, des physionomies caractéristiques d’un ancien peuple qui est à peine connu autrement que de nom. Je copierai de mon mieux quelques esquisses des femmes de cette antique presqu’île qui a jeté sur le monde tant d’agitations, qui a été le point d’origine d’un tremblement de terre dont les secousses prolongées pendant des siècles, ont ébranlé, menacé et en partie englouti les peuples de trois grands continents.

Il y avait de riches espérances pour le développement futur de la femme arabe ancienne, si l’Islamisme avait cru devoir la monter à une hauteur morale convenable. Il n’en a relevé et réglé que la position familiale. Jadis la femme arabe avait de beaux enthousiasmes elle savait parfois et osait électriser ses contribules par des actes dont la température de nos mœurs et de nos idées répudierait, condamnerait les intentions et plus encore l’exécution. Ces actes furent rares, il est vrai ; car les résolutions extrêmes et les faits passionnés, disons exagérés et excentriques, sont rares partout. Mais ils ne montrent pas moins que les femmes d’avant l’Islamisme avaient la conscience du pouvoir et de l’immense influence de leur sexe, et qu’elles n’hésitaient pas à recourir aux moyens les plus vifs, les plus entraînants, lorsqu’il s’agissait de la gloire, de l’intérêt, du salut de la tribu. Qui ne se rappelle les sacrifices de cœur et de vertu auxquels se sont résignées des femmes de dévouement et d’âme dans nos grandes époques