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FEMMES ARABES
« Prince, sache juger avec la justesse de cette fille étonnante dans sa tribu, de Zarkâ qui, voyant des colombes voler d’une aile rapide du côté des eaux :
« Que le nombre de ces colombes, s’écria-t-elle, et la moitié de ce nombre ne se joignent-ils à notre colombe ! je m’en contenterais. »


Elles volaient rassemblées et serrées entre les cimes de deux monts à haute crête ; mais Zarkâ, de son œil perçant, plus limpide que le plus pur cristal, et qui jamais n’avait senti le collyre du malade, suivait et tenait en vue leur tourbillon rapide. On compta ensuite les colombes, et l’on trouva le nombre que la belle Yéménite avait signalé, quatre-vingt-dix-neuf juste. Sa colombe complétait la centaine, et le temps de compter fut le temps d’un seul coup-d’œil. Zarkâ elle-même avait dit tout d’abord :

« Que n’ai-je ces colombes,
Et la moitié de leur nombre ; je m’en contenterais ;
Jointes à ma colombe
Elles me feraient cent. »

Nous aurons à reparler de cette Zarkâ à propos de la destruction de deux tribus des Tasm et des Djadis (238 de J.-C.)

Une autre Zarkà el-Yamâmah vécut quelques années avant l’islamisme, vers la fin du sixième siècle de notre ère. Elle était favorite intime de Hind fille de Nomân V Abou Kaboûs, roi de Hirâh. Hind l’avait prise en amitié extraordinaire, et fut, dit-on, « la première femme arabe qui éprouva une passion pour une personne de son sexe. » Lorsque Zarkâ mourut, Hind (elle était chrétienne) fil bâtir un couvent près de Hirah, et s’y retira pour le reste de ses jours. Elle était veuve. Lorsqu’elle fut au moins nonagénaire, le gouverneur musulman de l’Irak la demanda en mariage afin de pouvoir se vanter d’avoir sous sa main le royaume et la fille de Nôman. La nonagénaire rejeta la demande.