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AVANT L’ISLAMISME

Hind, la fille de Khouss, avait une rapidité de coup-d’œil étonnante, qualité qui s’est remarquée souvent dans les déserts ; car, la, il faut voir vite, entendre fin, apercevoir loin. Hind étant un jour avec un groupe de jeunes filles arabes, assise sur le sable, vit passer une troupe de kâta[1] qui couraient de leur course rapide à une eau amassée dans une gorge très resserrée d’une montagne. Hind, à l’aspect de ces oiseaux, coureurs des sables, dit tout-à-coup ces vers :

« Que n’ai-je ces katâ,
Plus la moitié de leur nombre !
Avec notre katâ,
Cela nous ferait cent katâ. »

On examina bien ; on suivit doucement ces oiseaux jusqu’assez près de la petite flaque d’eau ; on les compta ; ils étaient au nombre de soixante-six. Ce nombre, plus la moitié, plus un, font cent. Il ne fallut que le temps de porter un coup-d’œil, pour que Hind eût compté.

Une autre fille Arabe de l’Yamâmah[2], connue sous le nom de Zarkâ-el-Yamâmah, la bleue, ou, comme nous dirions, le bleuet de l’Yamâmah, à cause de ses yeux bleus, avait le regard encore plus rapide et plus pénétrant. Zarkâ devînt le motif du proverbe ou dicton de comparaison par lequel on qualifiait un individu d’une force et d’une finesse de regard extraordinaires : « Plus clairvoyant que Zarkâ-el-Yamâmah ; » plus rapide et plus habile à juger que Zarkâ-el-Yamâmah. C’est à elle que fait allusion le Nâbirah, une des grandes illustrations poétiques de l’Arabie antéislamique. La malveillance avait accusé le poète auprès de Nomân fils d’El-Mounzir, roi de Hirah. Le Nâbirâh alla se présenter à la cour et dit, entre autres vers, au roi :

  1. Le kata, que Linnée écrit el-chata, est une gelinotte, une perdrix du désert : tetrao el-chato ; ganga.
  2. L’Yamâmah, contrée entre le Hédjàz et l’Yémen.