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FEMMES ARABES.

ignorante bien au-delà de ce qu’était le paganisme, a tout oublié et ne veut rien savoir. La Grèce eut ses Sept Sages, tous hommes ; les hommes font les lois ! et ils ont grand soin de se bien traiter. L’Arabie eut Quatre Sages, et ces Sages furent des femmes. Ces quatre célébrités de sagesse furent : Sohr fille de Lokmân, — Amrah fille d’Amir, surnommé le Juste, — Djoumah fille de Djâbis, — Hind fille de Khouss. Amrah et Hind sont celles dont les traditionnistes ont le moins perdu des caractères, des pensées, des jugements. Amrah se distingua surtout par la supériorité de son intelligence, la rapidité et la sûreté de sa pénétration, par la rectitude de sa logique ; Hind, par la finesse de son esprit, par son talent d’observation, par son savoir pratique et son habileté d’appréciation des choses et des hommes.

Le père d’Amrah était juge et chef suprême de sa tribu. On venait de tous les points de l’Arabie, même les plus éloignés, soumettre à la sagacité et à l’expérience d’Amir les affaires difficiles, les questions ardues. Devenu très vieux, il n’en était pas moins l’oracle révéré de la sagesse et de la justice ; mais à la fin son esprit s’affaiblit, sa perspicacité s’émoussa ; plusieurs fois il lui arriva de faiblir dans ses décisions. Un jour Amrah, qui d’ailleurs écoutait de derrière un voile les discussions des affaires, dit à Amir : « Mon père, la sentence que tu as portée aujourd’hui est entachée d’erreur. — Eh bien ! ma fille, dit le vieillard, quand désormais tu t’apercevras de quelque défaillance dans mes jugements, frappe un coup de bâton. » De ce jour là, Amir, toutes les fois qu’il entendait le coup de bâton retentir sur le sol, ranimait son attention, réveillait son esprit, et il jugeait juste. De ce fait est né le dicton exprimé dans le vers que voici :

« Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on frappe du bâton pour le sage ; tant il est vrai que pour bien savoir, il faut toujours apprendre. »