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entrait, et les entretiens, les conversations, les discussions, les causeries, les gaietés, se prolongeaient la plus grande partie de la nuit.

Ce Yézîd avait un simple revenu de six cent mille drachmes, ce qui représente trois cent soixante mille francs de notre monnaie actuelle, somme énorme pour ce temps… Il fut tué en 132 de l’hégire (749 de J.-C.).

L’appétit de Yézîd était pour ainsi dire peu orthodoxe ; celui d’un nommé Hilâl, fils d’Açad, et celui de sa femme n’étaient guère moins hyperboliques. Ces deux époux, largement dodus, richement bourrés d’embonpoint, étaient tamimides ou de la tribu des Béni Tamîm. En un jour où leur boulimie habituelle était en belle puissance, ils se repurent tête à tête ; le mari mangea presque un chameau, et la dame s’ingurgita un chamelin nouvellement sevré. Se levant de la table bien rassasié, Hilâl tout heureux veut embrasser sa femme ; la dame sourit et lui dit : « Ce n’est pas aisé de parvenir à nous embrasser ; nous avons, entre toi et moi, deux chameaux. » Hilâl se mit à rire et embrassa encore mieux sa femme.

Mais voici le coryphée des mangeurs, le Gargantua arabe. Le Prophète a dit : « Le manger pour deux suffit pour trois ; et le manger pour trois suffit pour quatre. » La parole divine du Koran a proclamé cet autre précepte de tempérance (chap. VII, verset 29) : « Mangez et buvez sans excès ; car Dieu n’aime pas ceux qui font des excès. » Notre homme était à l’inverse de tout cela ; le manger pour dix ne lui suffisait pas. Encore je dis pour dix, par manière de parler. D’ailleurs notre goulu y allait des deux mains, bien que le Prophète eut dit : « Que chacun mange de la main droite ; car le diable, lui, mange et boit de la main gauche. »

Soleymân, le dévorant, se rendit un jour à Ouadj ; c’est l’ancien nom de Tâïf. Il entra avec Omar fils d’Abd el-Azîz, et