Page:Perron - Femmes arabes avant et depuis l'islamisme, 1858.pdf/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

geait tous les différends, condamnait toutes les injustices, tous les méfaits. Placée derrière un grand rideau d’étoffe légère, elle voyait tout, sans être vue, et répondait à tous. Lorsqu’elle avait terminé, elle rentrait dans son palais, et se tenait enfermée par delà sept partes, au septième appartement. Le trône où elle siégeait aux jours de solennités, avait trente coudées de haut et quarante de large ; il était d’or et d’argent, orné de pierreries, de perles, de rubis, d’émeraudes, et soutenu sur quatre principaux montants de rubis et d’émeraudes.

La huppe arriva. En peu de temps elle eut franchi l’espace qui sépare Sanâ et Mâreb, espace de trois jours de marche.

Bilkîs était couchée au fond de son palais, au septième appartement. Les sept portes étaient fermées. Elle en avait pris tes clefs, selon son habitude, et les avait mises sous sa tête. Au haut de l’appartement était une petite ouverture donnant du côté de l’Orient. Aussitôt qu’y venaient briller les premiers rayons du soleil, Bilkîs se prosternait à terre et adorait l’autre levant. La huppe va poser doucement la lettre sur la gorge de la reine encore endormie, puis retourne se placer à l’ouverture de l’appartement et la ferme en se tenant les ailes étendues. À son réveil, Bilkîs surprise, lit la lettre et reste plus stupéfaite encore.

Elle convoque les grands de la cour, leur raconte le fait et leur demande ce qu’ils pensent. Mais tous s’en réfèrent à la sagesse de la reine, à son jugement, et protestent de leur dévouement pour elle. Bilkîs, qui savait quelle est la puissance des présents sur un roi, propose d’en envoyer à Salomon. « Car, dit-elle, il nous faut le mettre à l’épreuve, reconnaître s’il est réellement prophète, ou s’il est seulement roi. S’il est roi, il accepte nos présents et n’entre pas sur nos terres ; s’il est prophète, il refuse ; car il lui suffit que nous embrassions ses principes. De plus, j’essaierai la pénétration de son regard. »