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Et elle disparut.

Le fils de Rîhânah mourut en nourrice. Quand la fille fut assez grande, elle fut rendue à Zou-Chark ; c’était Bilkîs.

Bilkis fut d’une beauté merveilleuse, d’une sagacité rare, d’une pénétration et d’une intelligence extraordinaires. À la mort de son père, elle s’empara du trône et se déclara souveraine. Mais une partie seulement de la nation la reconnut ; l’autre partie proclama roi Bnou-Akh-el-Mélik, homme sans pudeur et sans conscience. Il abusa bientôt de sa puissance. Tyran débauché, il outrageait et déshonorait toutes les femmes qu’il pouvait enlever à ses sujets. Le peuple se révolta, et plusieurs fois, mais en vain, tenta de le chasser. Bilkis, indignée de tant de crimes et de hontes, résolut de débarrasser l’Yémen de ce prince.

Bnou-Akh avait d’abord demandé la main de Balkamah, et il avait été refusé. Mais un jour elle lui fit savoir, avec les précautions convenables de la part d’une femme, qu’elle consentait à s’unir à lui. Elle se rendit auprès de Bnou-Akh, au milieu d’un cortège nombreux et brillant. Le mariage fut célébré avec toute la magnificence des rois. Le soir, après la cérémonie nuptiale, Bilkîs énivra le prince, lui trancha la tête, et, profitant des ténèbres de la nuit, sortit et retourna à son palais.

Au jour, elle appela les vizirs et les grands de la cour de Bnou-Akh. Lorsqu’ils furent rassemblés, elle leur exposa ce qu’elle avait fait, leur reprocha leurs honteuses complaisances pour le roi, leur lâcheté à venger les outrages dont il les avait abreuvés, à venger l’honneur de leurs femmes. Et elle ajouta : « Maintenant, choisissez-vous un autre roi. — Nous ne voulons pas d’autre souverain que toi, dirent-ils ; et nous te jurons obéissance. » Bilkîs régna avec gloire, et son peuple fut heureux. Un jour par semaine elle rendait elle-même la justice ; elle recevait toutes les plaintes, toutes les requêtes, ju-