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préparer à te contempler, toi et la grandeur. — Dis-moi, savante fourmi, quelques paroles de morale et quelques pensées sur les choses de religion et de piété. — Volontiers. Sais-tu pourquoi ton père s’appelait Dâoûd (David) ? — Non. — C’est qu’il guérissait[1] les plaies et les souffrances de l’âme. Et sais-tu pourquoi ton nom est Soleïmân ? — Non. — C’est que tu es de cœur pur[2], d’âme sincère et nette ; et tu dois au moins égaler ton père. Et pourquoi Dieu a-t-il mis les vents à la discrétion ? Le sais-tu ? — Non. — C’est que ce monde n’est qu’un coup de vent passager, presque invisible. Encore : Sais-tu pourquoi Dieu a attaché le secret de ta force et de ta puissance au chaton de ton sceau ? — Non. — Eh bien ! c’est pour t’apprendre que ce monde ne vaut pas un petit morceau de pierre. — Mais les armées de tes fourmis sont-elles plus nombreuses que mes armées ? — Certainement. — Fais-moi les voir. » Tâkhîah appela une seule espèce de ses sœurs, et pendant soixante-dix jours entiers elles défilèrent en bataillons immenses sous les yeux de Salomon ; elles inondèrent les plaines, les monts, les vallées. « En reste-t-il encore beaucoup ? dit alors Salomon. — Il n’y a encore de passé, lui répondit tranquillement Tâkhîah, qu’une partie d’une seule espèce, et j’en ai soixante-dix espèces. »

Salomon partit.

Le grand roi alla faire son pèlerinage avec son armée d’hommes, d’ins, djinn, chaïtân, oiseaux, quadrupèdes. Il séjourna quelque temps aux environs de la Mekke. Chaque jour il égorgeait cinq mille chamelles, cinq mille bœufs ou taureaux et vingt mille moutons. Il parlait à ceux qui composaient son immense cortège, du prophète-arabe qui devait venir planter dans cette contrée l’étendard d’une foi nouvelle,

  1. Le mot daoua dont on dérive ddoûd, nom de David, signifie médicamenter, guérir.
  2. Le mot sèlîm dont on dérive soleïmân veut dire sain, pur, exempt de mélange.