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tant l’émigration japonaise de manière à fortifier la puissance économique et militaire de l’Empire nippon. Si le Japon est surpeuplé, il est loin d’en être de même de sa nouvelle province ; car, avec un territoire grand comme l’Italie, la Corée compte environ 12 millions d’habitants ; mais la Corée n’a pas une faculté d’absorption illimitée pour les émigrants nippons et il est probable que ceux-ci envahiront plus tard la Mandchourie méridionale où domine déjà l’influence politique du Japon[1].

Les mobiles d’ordre international qui ont inspiré l’annexion de la Corée ont trait aux rapports conventionnels existant entre l’ancien gouvernement de Séoul et les nations étrangères. Ces relations concernaient d’une part les régimes commercial et douanier, de l’autre la juridiction spéciale des consuls, telle qu’elle résulte du système des Capitulations appliqué en Corée. Les Japonais après avoir pris la direction de l’administration et de la justice dans le pays, voulaient désormais y être seuls maîtres et y appliquer le même régime que chez eux. Or le Japon a obtenu des puissances, depuis 1899, la suppression complète de la juridiction consulaire et la soumission des étrangers aux autorités de l’Empire ; ce qui a disparu au Japon devait, suivant les désirs des hommes d’État de Tokio, cesser également d’exister en Corée, depuis la conquête qu’ils avaient réalisée. La survivance du système capitulaire était un obstacle à l’assimilation politique et administrative de la nouvelle province nipponne. Les privilèges concédés aux étrangers par les anciens traités devenaient incompatibles avec la nouvelle organisation établie par le Japon. Le maintien de la juridiction des consuls sur leurs nationaux ne pouvait, en effet, qu’entraver l’exécution des réformes administratives, judiciaires et financières nécessaires à la régénération politique et sociale du pays, en les laissant inapplicables aux étrangers. La coexistence de législations diverses appliquées par des autorités indépendantes les unes des autres est une source de complications et de difficultés et ne peut être admise que dans les pays où l’autorité territoriale est rudimentaire ou corrompue. C’est pour cela que ce régime tend à disparaître dans les États qui établissent une administration régulière offrant des garanties suffisantes aux étrangers[2]. Enfin, l’orgueil nippon ne

  1. On peut dire que le traité de Portsmouth constitue un partage anticipé de la Mandchourie entre la Russie et le Japon, grâce aux privilèges que les deux États se reconnaissent mutuellement et que des ententes postérieures ont confirmés.
  2. Les Capitulations ont cessé d’exister au Japon depuis 1899, elles vont disparaître au Siam lorsque les nouveaux codes seront promulgués et appliqués (traité du 23 mars 1907).

    En Égypte, l’importance des relations entre les ressortissants de nationalité différente a amené la création des tribunaux mixtes et dans l’avenir la juridiction britannique sera sans doute établie. Quant à la Turquie, le sort des Capitulations dépend du succès ou de l’échec du mouvement de réformes introduit par le parti jeune-turc.