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nent aux dépens de ses voisins, lorsque les circonstances lui paraîtraient favorables et qu’il serait de force à écarter toute opposition. La Corée était dès cette époque l’objet des convoitises des patriotes nippons. La guerre de 1894-1895 avec la Chine avait eu précisément pour prétexte une divergence entre les deux États sur le droit de suzeraineté que la Chine invoquait à l’égard de la Corée et dont le Japon contestait l’existence en prétendant défendre l’entière indépendance de ce pays. Les Japonais voulaient ainsi écarter l’action politique de la Chine pour pouvoir ensuite soumettre sans difficulté les paisibles Coréens, incapables d’opposer par eux-mêmes une résistance sérieuse à des entreprises de conquête. La Chine vaincue dut, en effet, renoncer à ses prétentions et abandonner pour l’avenir la Corée aux visées belliqueuses des Nippons.

Le gouvernement de Tokio, instruit par l’expérience, s’efforça dès lors de développer la puissance militaire de l’Empire avant de reprendre sa politique d’expansion sur le continent. De 1895 à 1904, les Japonais constituèrent une flotte de guerre formidable, construisirent des arsenaux et réorganisèrent leur armée de manière à pouvoir lutter contre les adversaires éventuels de leur politique. On peut dire que, dès 1895, les Japonais étaient résolus à répondre par une nouvelle guerre aux puissances qui voudraient arrêter leur essor politique et s’opposer à leur ambition.

Pendant que le Japon se livrait à des armements en vue d’une guerre éventuelle, il ne négligeait pas de recourir à la diplomatie pour isoler son futur adversaire le plus sérieux, la Russie, instigatrice de l’intervention de 1895. L’Angleterre, la grande rivale de la Russie en Asie, consentit à s’entendre avec les Nippons et signa avec eux un traité d’alliance le 30 janvier 1902[1]. Cette alliance garantissait le Japon contre une coalition possible des nations européennes et lui assurait l’isolement de la Russie en cas de conflit armé. Or l’action politique et militaire de la Russie en Extrême-Orient devait fatalement l’amener à entrer en lutte avec le Japon. Établie à Port-Arthur en 1898, la Russie semblait vouloir barrer la route au Japon et établir son hégémonie sur le Pacifique en dominant la Corée et même la Chine. L’insurrection des Boxers en 1900 amena l’occupation de la Mandchourie par les troupes russes. Dès lors, le gouvernement du Tsar s’efforça d’établir et de maintenir son autorité dans cette province, en employant toutes les ressources de la diplomatie à éluder les promesses d’évacuation faites à la Chine. Dès ce moment, l’indépendance de la Corée était virtuellement condamnée. Il devenait

  1. V. le texte de ce traité dans la Revue générale de droit international public, t. ix (1902), Documents, p. 10. Ce traité a été renouvelé le 12 août 1905. V. dans la Revue générale de droit international public, t. xii (1905), Documents, p. 17.