Page:Perrin - Notice sur les travaux scientifiques de Jean Perrin, 1923.djvu/9

Cette page n’a pas encore été corrigée

que les rayons cathodiques n'étaient pas électrisés. (Heureusement j'ignorais à ce moment que Hertz avait cru établir ce point.)

Or, l'introduction d'une charge électrique à l'intérieur d'une enceinte conductrice close se démontre sans incertitude possible. C'est même le meilleur moyen qu'on ait pour définir et mesurer ce qu'on entend par charge électrique. J'ai donc fait pénétrer des rayons cathodiques dans un « cylindre de Faraday », lié aux feuilles d'or d'un électroscope, et protégé contre toute «influence » par une enceinte métallique close qui fait partie de la « cage » de l'électroscope.(Cette précaution élémentaire est essentielle, et l'absence d'écrans protecteurs explique l'insuccès des tentatives de Crookes et de Hertz.)

J'ai alors aussitôt constaté que, dès que les rayons cathodiques, pénétrant dans l'enceinte protectrice par une petite « fenêtre », entrent dans le cylindre de Faraday, les feuilles d'or divergent, accusant une forte électrisation négative[1]. Cela, même si la fenêtre est fermée, comme dans les expériences de Lenard, par une feuille mince d'aluminium. En sorte que ces rayons pénètrent alors dans une enceinte métallique continue, entièrement close. Aucune charge n'arrive plus dans le cylindre, au contraire, dès que les rayons, faiblement déviés par un aimant, cessent de frapper la fenêtre.

Il y a donc de 1'électricité négative en mouvement le long de tout rayon cathodique, et qui ne peut en être séparée. Plus brièvement, on peut dire, comme le supposait la théorie de l'émission, que les rayons cathodiques sont de l'électricité négative en mouvement.

Ces expériences, sur lesquelles Lord Kelvin et Henri Poincaré ont aussitôt attiré l'attention[2], ont été reprises par Lenard (dont elles renversaient la théorie), par Wien et par J. J. Thomson (et ont ainsi servi de point de départ à d'importantes découvertes)[3]. Du moment que les rayons cathodiques sont chargés, ils peuvent être déviés par un champ électrique oblique ou normal à leur direction.

Ce que j'ai vérifié

  1. C. R., 1895.
  2. Elles m'ont valu le Prix Joule, de la Société Royale de Londres.
  3. Wien, Verhandl. de Phys. Gesellsch., XVI, 1897, p.165. J.J. Thomson, Phil. Mag., XLIV, 1897, p.293. Lenard, Electrostatischen Eigenschaften der Kathodenstrahlen (Ann. der Phys. u. Chem., LXIV, 1898, p.279).