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Molécules stables. Molécules critiques.

– Toute réaction chimique peut s’écrire :

n1*A1 + n2*A2 + …… -> n1’*A1’ + n2’*A2’+ ……

ou, de façon plus condensée :

A -> A’

en appelant A1, A2,… les molécules-gramme des corps qui réagissent et A1’, A2’,... celles des produits de la réaction. Réaction que nous concevons, à l'échelle moléculaire, comme consistant dans l'apparition brusque d'un rassemblement de molé cules A' là où se trouvait un rassemblement de molécules A.

On sait que, pour toute réaction chimique, la vitesse tend vers zéro quand la température s'abaisse. Cela revient à dire qu'au zéro absolu chacune des molécules jusqu’ici considérée par les chimistes subsisterait indéfiniment, sans aucune transformation « spontanée ». Plus brièvement, ces molécules sont stables. Il est supposable que chacune de ces molécules est constituée par un certain régime de mouvements électroniques, mais il faut alors que ces mouvements ne s'accompagnent d'aucun rayonnement, sans quoi l’énergie interne diminuerait sans cesse et il n’y aurait pas de molécule définissable.

Bornons-nous, pour simplifier (on généralise sans peine), à discuter la réaction qui semble la plus simple, consistant en un réarrangement de la matière d’une molécule :

A1 -> A1’

Même si cette transformation dégage en définitive de l'énergie, il aura toujours fallu commencer par en fournir, sans quoi la molécule A ne serait pas stable au sens que nous venons de dire (pour déterminer l'explosion d'un obus, il faut commencer par dépenser un travail notable).

La matière de la molécule atteindra donc un état «critique » d'énergie interne maximum, d'où elle retombera d'elle -même dans l’état A' en perdant de l'énergie. Et, si aucun choc n'est subi durant cette seconde partie de la transformation, il faudra bien que cette énergie soit perdue sous forme de lumière rayonnée. La transformation exactement inverse est probablement possible, l'absorption de cette même lumière ramenant la matière dans l’état critique, d'où elle pourra retomber dans l'état initial A en rayonnant de l'énergie. Ce qui nous fait comprendre qu’une réaction chimique se fait toujours en deux phases, l’une avec absorption et l’autre avec émission d'énergie. C'est-à-dire, tout au moins en l’absence de chocs, avec absorption puis émission de lumière.