Page:Perrin - Notice sur les travaux scientifiques de Jean Perrin, 1923.djvu/76

Cette page n’a pas encore été corrigée

de chances de puiser dans l'espace environnant le quantum de lumière qui la transformerait en molécule critique si dans cet espace environnant se trouvent d'autres molécules de même « couleur » qui diminuent par leur présence le flux d'énergie où peut puiser la première molécule. Cette théorie peut être précisée.

IX RADIOCHIMIE

La mécanique chimique nous enseigne que, dans un volume donné, la vitesse d'une réaction est proportionnelle aux masses actives des réactifs ; dans le cas le plus simple, celui d'une réaction unimoléculaire (dissociation ou tautomérie), cette vitesse est proportionnelle à la concentration du corps transformable.

Il n'avait pas été signalé, bien qu'après coup la remarque paraisse évidente, que cela implique, pour une masse donnée de corps transformable, une vitesse indépendante de la concentration. La probabilité de transformation pour une molécule donnée serait donc indépendante du nombre de chocs que subit la molécule.

Si nous osons étendre ce résultat au cas limite d'une raréfaction infinie, nous arriverons à penser que, dans un espace vide enclos par une enceinte de température déterminée, une molécule isolée se transformera tout d'un coup sans heurter aucune autre molécule, après une vie moyenne égale à celle qu’elle aurait si, l'enceinte étant pleine de gaz, elle subissait pendant le même temps des trillions de chocs.

Or le seul agent connu qui puisse agir sur une molécule dans un espace vide, de façon qui dépende (et dépende même beaucoup, comme fait précisément la vitesse de réaction) de la température de cet espace, est le même qui impose l'état d'un thermomètre situé dans cet espace vide : c'est, au sens général du mot, la lumière, qui emplit l'enceinte d'un rayonnement isotherme en état de régime permanent. Régime permanent où toute fréquence vibratoire est représentée avec une intensité qui grandit très vite avec la température, en même temps que la fréquence dominante s'élève, cette radiation dominante étant par exemple infrarouge aux températures ordinaires, jaune dans le rayonnement solaire, et sans doute formée de rayons X dans