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VIII FLUORESCENCE

Je m'étais demandé si quelque phénomène permettrait de rendre visibles, sinon les molécules individuellement, du moins les fluctuations de concentration qui doivent exister à chaque instant, par suite de l'agitation moléculaire, au sein d’une solution étendue.

Espérant trouver dans la fluorescence un tel phénomène, j'ai observé au microscope des solutions fluorescentes, soit en couches très minces dans des cuves spéciales, soit en lames minces (bulles de savon). Je n'ai pas réussi à percevoir les fluctuations, mais j'ai pu observer des apparences nouvelles.

Une gouttelette de solution fluorescente était aplatie entre le porte-objet et le couvre-objet d'une cuve Zeiss en quartz. L'épaisseur de la cuve était environ 3 microns. Un dispositif ultramicroscopique permettait d'éclairer violemment la préparation, sans qu'aucun rayon direct pénétrât dans le microscope pointé sur cette préparation. Ainsi la lumière de fluorescence était seule perçue, sans mélange de lumière excitatrice.

En raison de la minceur extrême et du faible diamètre de la zone liquide éclairée, la conductibilité thermique empêche dans ces conditions toute élévation notable de température, malgré la violence de l'illumination, même si l'on prolonge cette illumination1. Les substances fluorescentes étudiées ont été toutes les matières organiques à fluorescence visible que j'ai pu me procurer. Le dissolvant a été le plus souvent la glycérine, qui, en raison de sa grande viscosité, et de la lenteur des diffusions qui en résulte, permet de bien délimiter les modifications qui se produisent dans la région illuminée de la solution.

La destruction du corps fluorescent accompagne en général la fluorescence.

– Observant une solution d'uranine (fluorescéinate de sodium) au cinquante-millième dans la glycérine, je vis avec étonnement que la belle coloration verte, d'abord excitée sur le cercle d'illumination disparaissait peu à peu, laissant à sa place, en une vingtaine de secondes, un cercle noir (à bord net, en raison de la viscosité de la glycérine). Déplaçant un peu la préparation de façon à éclairer de nouvelles régions, 1 Notamment par observation du mouvement brownien des quelques particules qui se trouvent en suspension, et pour certaines solutions glycériques à viscosité rapidement variable, une élévation de quelques degrés, d'ailleurs sans importance, serait déjà manifeste si elle se produisait.