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l'oreille droite. Le « son de milieu » est observé quand les récepteurs sont à égale distance de la source, et il suffit alors d'avancer ou reculer l'un des récepteurs de quelques centimètres pour faire passer le son « à droite » ou « à gauche ». L'expérience doit se faire en plein air pour éviter des réflexions.

J'ai pourtant constaté que cette appréciation si délicate de faibles différences de phase disparaît absolument pour les sons qui dépassent une certaine hauteur. Je faisais l’expérience précédente, écoutant avec deux myriaphones non pas un bruit complexe, mais une source simple constituée par un tuyau d'orgue éloigné (en sorte que les intensités sonores qui excitaient les deux oreilles ne changeaient pas appréciablement quand on avançait ou reculait l'un des deux myriaphones, pour faire varier la phase du son qui la frappait). Dans ces conditions, et comme il vient d'être expliqué, on faisait passer très facilement le son de gauche à droite et vice versa, tant que la note émise par le tuyau était moins haute que fa, ou sol. Sitôt qu'elle devenait plus haute, l'impression que le son venait de tel ou tel côté disparaissait absolument.

Or quand on écoute à l'oreille nue, on sait très bien reconnaître si un son, même aigu, vient de droite ou de gauche ; et en particulier on le reconnaissait très bien pour les sons simples aigus donnés par les tuyaux d'orgue. Il faut donc admettre que au-dessus du sol, ce n'est plus du tout la phase qui renseigne sur le côté d’où vient le son, et il est à présumer que ce sont alors les différences d'intensité (dues à ce que pour ces sons aigus la tête porte ombre sur l'oreille opposée au bruit) qui jouent un rôle décisif, alors qu'elles n'en jouent aucun pour les sons plus graves.

On remarquera que cette discontinuité physiologique et curieuse se produit juste au-dessous de la hauteur à partir de laquelle l'appréciation de la direction d'un son par la seule différence de phase pourrait commencer à nous tromper, en raison du fait que la distance de nos oreilles est peu inférieure à la demi-longueur d’onde du sol. Cette adaptation du sens auditif à nos besoins pratiques est remarquable[1].

  1. J'ai su depuis que lord Rayleigh (Papers, V) avait énoncé la même conclusion. J'ai cependant signalé mes observations, qui se rapportent à des expériences plus directes et toutes différentes. (Lord Rayleigh faisait arriver par deux tubes à ses oreilles des sons provenant de deux diapasons différents, réglés de façon à avoir presque même hauteur. L'observateur avait alors l'impression d'un son unique, venant de droite ou de gauche, selon le signe de la différence de phase. Cette impression de son venant d'un certain côté disparaissait quand la hauteur du son dépassait le sol.)