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Autres liquides stratifiables.

– Les lames jusqu'ici étudiées sont toutes faites dans de l'eau de savon, contenant environ 3 pour cent de savon (oléate de sodium). J'ai retrouvé les mêmes phénomènes avec d'autres solutions, obtenues à partir de deux résines acides : la gomme-gutte et la colophane.

J'avais observé, au cours de mes recherches sur les émulsions, que ces résines se dissolvent dans une solution de potasse ou de soude, donnant alors un liquide transparent qui mousse comme de l'eau de savon.

Une solution ainsi préparée à partir de gomme-gutte, contenant 3 de guttate de potassium pour 100 d'eau, donne de belles « bulles de savon » ou des lames planes persistantes. Dans ces lames, sans addition de colorants, j'ai observé souvent 8 plages, allant du noir au gris, et tout à fait semblables aux 8 premières plages que donne l’eau de savon sensibilisée par un colorant. Parfois j'en ai observé beaucoup plus de 8, mais sans pouvoir à volonté retrouver le phénomène.

L'eau de colophane, préparée de même, donne également des bulles et des lames persistantes. Dans ces lames, et sans qu'il soit utile de faire agir la lumière, la stratification discontinue se produit absolument comme dans de l'eau de savon à l'uranine sous l'action de la lumière, donnant la même richesse de teintes plates étagées en gradins.

Il devenait alors singulier que l'eau de savon ne pût donner ces plages sans addition de matières colorantes. Les oléates alcalins du commerce, qualifiés purs, ne les donnent pas non plus. Mais en dissolvant moi-même de l'acide oléique dans des solutions bouillantes de potasse ou de soude, j'ai vu que les solutions pures d'oléates, fraîchement préparées, donnent, sans addition de matières colorantes et à l'abri de la lumière toute la gamme des plages discontinues.

J'ai alors tâché de changer de solvant, d'abord en prenant des solutions de plus en plus riches en glycérine, de 50 à 95 pour 100 de glycérine. J'ai obtenu encore toute la gamme des plages, même dans la glycérine pratiquement sèche (sans autre eau que celle qui entrait avec l'alcali), mais j'ai dû, pour cela, faire agir la lumière, après sensibilisation par l’uranine (jusqu'à 30 pour 100 dans la glycérine la plus sèche). Enfin j'ai encore eu la même gamme de plages (toujours avec sensibilisation par l'uranine) dans des mélanges de glycérine et de sucre (jusqu'à 30 pour 100 de sucre, teneur au delà de laquelle le mélange reste vitreux à la température ordinaire).