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millimicrons.

Or, utilisant la valeur maintenant connue du nombre d'Avogadro, il est facile de voir que les molécules qui emplissent un volume connu d'acide oléique, si elles sont sphériques, ne peuvent avoir un diamètre qui dépasse notablement l millimicron.

Mais elles ne sont probablement pas sphériques, et précisément Langmuir[1] a observé qu'elles doivent être allongées et que le groupement acide « hygroscopique» ou « soluble » de ces molécules doit être attiré par l'eau, sur laquelle elles ont donc tendance à se dresser, puisqu'elles ne peuvent s'y enfoncer étant dans leur ensemble insolubles.

Nous admettrons donc que la pellicule saturante est monomoléculaire et faite de molécules parallèles d'acide oléique, dressées perpendiculairement à la surface, probablement très rapprochées, et peut-être aussi rapprochées que dans l'état liquide. On voit que cette pellicule, à molécules orientées, est anisotrope. C'est probablement l'exemple le plus simple de ce qu'on nomme un liquide cristallisé.

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Ces pellicules, formées par une couche de longues molécules jointives dressées perpendiculairement contre une surface où se colle leur extrémité hygroscopique, jouent un rôle important dans les lames ou les bulles d'eau de savon, que leurs propriétés ont depuis si longtemps signalées.

Tout le monde connaît ces propriétés si curieuses de l'eau de savon : possibilité de donner des lames ou des bulles persistantes, avec faible tension superficielle, cela pour des teneurs en savon qui peuvent être inférieures au millième, ce qui représente moins de 1 molécule d'oléate pour 20.000 molécules d'eau, et correspond en somme à de l'eau presque pure.

Voici longtemps qu'on a supposé[2], pour expliquer ces propriétés, que la surface libre de l'eau de savon doit avoir une composition très différente de celle des couches profondes. Nous allons voir qu'elle est probablement formée par une couche monomoléculaire d'acide oléique (partiellement ionisé).

Pour avoir idée de sa composition, on pourrait plonger dans le liquide un anneau où se forme quand on le retire une lame mince, recueillir la matière de cette lame mince, et recommencer un grand nombre de fois : la matière qui se

  1. Soc. Journ. Americ. Chem., 1916-1917.
  2. Marangoni, Nuovo Cimento, 1871.