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II

RAYONS X ET IONISATION DES GAZ

Vers le milieu de janvier 1896, on apprit en France, par les journaux quotidiens, que Roentgen avait découvert un rayonnement émis par les tubes de Crookes, rayonnement qui excitait la fluorescence, impressionnait les plaques photographiques, donnait la silhouette des os à travers les corps, et qui, au contraire de toute lumière connue, pouvait traverser des plaques métalliques minces. Je crus à une exagération, mais, comme je me trouvais familiarisé avec la manipulation des tubes de Crookes, j’essayai, plutôt par jeu, de voir ce que pouvaient être ces « rayons X ». À ma grande surprise, en quelques heures, je retrouvais les résultats annoncés, et constatais de plus que les rayons X, rigoureusement rectilignes, ne se réfléchissent ni ne se réfractent ; enfin, et employant un dispositif suggéré par M. Brillouin, je ne pouvais non plus mettre en évidence une diffraction. Ces expériences (C.R., janvier 1896) n’eurent au reste que l’intérêt de confirmations rapides, comme on vit quand le mémoire de Roentgen parvint en France.

Je montrai de plus que les rayons X émanent des parois frappées par les rayons cathodiques, ce qu’affirmait Roentgen, sans en donner de preuve. Pour cela, opérant comme avec une chambre noire pour un objet lumineux, j’ai obtenu l’image des parties actives du tube à vide en plaçant une plaque sensible à quelques centimètres en arrière d’une plaque de laiton percée d’un petit trou, et située elle-même à quelques centimètres du tube. J’ai vu ainsi apparaître l’image des divers obstacles sur lesquels s’arrêtaient les rayons cathodiques[1].

Mais surtout j’ai étudié la « décharge des corps par les rayons X », phénomène découvert en même temps par Roentgen. J. J. Thomson, Benoît et Hurmuzescu, et Righi.

On sait qu’une charge électrique ne peut disparaître sans qu’une charge égale et de signe contraire disparaisse sur d’autres corps. Il ne peut donc arriver que les rayons X déchargent un seul conducteur, et il me semble qu’on ne pourrait comprendre le phénomène qu’à la condition de considérer les deux charges qui disparaissent en même temps.

J’ai toujours pris la précaution d’enfermer dans une caisse, recouverte de papier d’étain sur toutes ses faces, non seulement le tube d’où sortent les rayons, mais aussi la bobine de Ruhmkorff et les accumulateurs nécessaires.

  1. C.R., mars 1896.