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LES ÉGAREMENTS


glissa discrètement à notre appartement, nous faisant remarquer que cette heure, consacrée à ses plaisirs, était ordinairement celle qu’il choisissait pour dépayser les curieux. Oui, Mesdames, nous dit-il, je suis ici incognito. Comment va la santé, depuis un siècle que je ne vous ai vues ? Nous lui ripostâmes quelque chose d’à peu près aussi obligeant : chaque parole nous attira une petite inclination de tête, avec laquelle il secouait modestement ses grâces. Pour ranimer la conversation, il se mit à examiner nos meubles ; fit un copieux inventaire de ce qui nous manquait, nous pria de ne pas trouver mauvais qu’il nous l’envoyât le lendemain, nous assurant qu’il avait un tapissier unique pour habiller un appartement. Il me fit galamment la guerre sur ma toilette, qu’il trouva affreuse : il poussa la politesse jusqu’à casser mon miroir, qui, selon ses propres termes, n’était pas digne de réfléchir les rayons de ma beauté ; et passant insensiblement à ce qui me regardait de plus près, il me fit un crime de n’être pas à la mode. Le tabac, me dit-il, est l’âme de la conversation ; il me mit dans la main une tabatière d’or des plus grossières, qu’il oublia gracieusement de reprendre : cette petite distraction précipita la retraite de la Château-Neuf et de la Daigremont, qui appréhendèrent apparemment de lui en rappeler