Ne pouvant plus me résoudre à vendre pour
subvenir à mon nécessaire, je mis en gage ;
mais après m’être écrasée en intérêts, il fallut
toujours y venir : je ne réservai que très peu de
chose. Il y avait déjà quatre mois que je languissais
dans mon ennuyeux réduit, avec ma
vieille hôtesse, lorsque je tombai malade ; la
force du tempérament céda à l’épuisement dans
lequel me jetèrent les chagrins et la douleur de
me voir dans la dernière nécessité. Toutes les
idées affligeantes qui avaient été quelque temps
suspendues, se représentèrent plus que jamais
à mon imagination ; je ne pouvais digérer celle
de me voir à charge à autrui. J’éprouvai que
c’est un faible soulagement que de regarder ses
malheurs comme inévitables. Volée, trahie,
trompée, victime de toutes les circonstances, la
fortune avait toujours paru me retirer d’une
main ce qu’elle m’avait donné de l’autre. Je ne
pouvais me figurer dans ma misère, réduite à la
société de la Remy, être cette même fille que
l’opulence, les aises et les amusements les plus
variés pouvaient à peine autrefois satisfaire.
Quelles affreuses nuits ne passé-je point dans
les regrets sur l’argent que j’avais dissipé et
confié légèrement ? Je ne pouvais concevoir le
peu de profit que j’avais tiré de la leçon de
Bellegrade. Mon miroir, sur lequel je jetais
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DE JULIE