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LES ÉGAREMENTS


retour de mes esprits ; il se contenta de témoigner, à ce qu’on me rapporta, combien il était au désespoir d’être la cause innocente de mon accident, et se retira prudemment, dans l’incertitude du dénouement de cette scène. Il ne reparut chez la Beauval que le surlendemain, qu’elle l’envoya chercher : empressement auquel il jugea que je ne l’avais point démasqué. Il comptait toujours sur l’impossibilité où j’étais de le faire sans me compromettre : je m’y serais cependant déterminée, si, dès le premier instant de réflexion, je n’avais trouvé un moyen plus sûr de me venger. Pour un homme délié il n’usa guère de précaution. On s’étonne sans doute qu’après les confidences réciproques que nous nous étions faites, la Beauval et moi, j’aie différé un instant de la tirer d’erreur, et de lui apprendre la scélératesse de celui dont elle m’avait tant vanté le mérite : rien de plus simple, dira-t-on, d’un mot je perdais Bellegrade, et je servais mon amie. J’en conviens ; mais je voulais porter des coups plus sûrs. Les femmes sont quelquefois entêtées, la Beauval n’aurait peut-être pas voulu se laisser persuader : d’ailleurs Bellegrade avait l’âme assez noire pour me faire, par quelque nouveau trait, repentir de la justice que je lui aurais rendue en l’annonçant pour un coquin ; il s’en serait nécessairement suivi un éclat, du