faire aucun arrangement, me regardèrent
comme déchue de mon état, et conséquemment
quelqu’un à éviter. Il est vrai que je perdis
beaucoup à cette mort imprévue ; mais sa générosité
avait heureusement prévu une partie de
mon malheur, car je me voyois près de cinquante
mille livres, tant en argent qu’en bijoux.
Ayant accordé les premiers jours à la douleur,
je me rendis aux raisons de mon amant, qui me
devint d’une grande ressource pour charmer
ma mélancolie : nous nous concertâmes sur les
arrangements que nous prendrions pour l’avenir.
Devenus libres et maîtres de nous-mêmes,
par la mort de M. Démery, nous prîmes le parti
de nous affranchir de cette gêne qui avait auparavant
fait notre félicité, avec d’autant plus de
raison que sa taille commençait à paraître ridicule
sous l’ajustement de femme. Rien ne nous
attachait plus à Bordeaux, le séjour même m’en
était devenu insupportable : ainsi nous résolûmes
de nous en éloigner. Ayant ouï parler de la
Provence comme d’un beau pays, nous nous
déterminâmes à aller passer quelque temps à
Marseille ; et pour n’avoir aucun confident de
notre secret, je me défis de Nicole et de la
Forest, auxquels je donnai congé la veille de
mon départ, pour lequel j’avais fait acheter une
chaise de poste à deux places. Ces nouveaux
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DE JULIE