dissais mon sort, lorsque j’entendis parler à
quelqu’un de mes camarades d’une certaine
Espagnole arrivée depuis quelques jours à
Blaye, et qui devait passer outre : je voulus la
voir, je la vis, elle me plut. Rien de plus simple :
je ne t’avais pas encore vue, je ne pouvais t’aimer.
Je m’informai soigneusement de l’étrangère,
on me dit qu’elle s’appelait Dona Thérésa ;
qu’elle n’était à Blaye que pour fort peu de
temps : je retournai faire à mes camarades l’éloge
de leur goût ; j’associai mes louanges aux leurs,
et il fut décidé entre nous que Dona Thérésa
était la personne la plus appétissante qu’on pût
imaginer. Notre petit conseil prétendit s’apercevoir
qu’elle n’était pas cruelle, et il fut arrêté,
à n’en pouvoir douter, qu’elle ne résisterait
jamais à une couple de louis. Quoique je fusse
le plus jeune, je n’étais pas le moins amoureux ;
je regardai comme sérieuse une conclusion aussi
puérile, je me représentai qu’il serait aisé de
jouir de Dona Thérésa. Je n’avais pas le sou,
il est vrai, deux louis et moi ne nous étions
jamais rencontrés ensemble ; mais enfin je ne
laissai pas de me déterminer à une tentative. Il
est bon de remarquer que la dame n’était rien
moins qu’une aventurière, mais la femme d’un
officier de marine, qui allait au-devant de son
mari. Je n’entrai point là-dedans : uniquement
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DE JULIE
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