paraissait que plus charmante. Quels yeux que
ces yeux dont je n’ai rien dit ! Je l’ajustai proprement
et recommandai à Nicole ma cuisinière et à
la Forest d’avoir quelque attention pour elle, feignant
qu’elle m’eût été recommandée. Il n’était
pas besoin de donner cet avis à mon laquais, elle
ne pouvait que lui plaire. Je la prévins sur tout
ce qui pouvait lui rendre la vie douce et gracieuse :
je recueillais tout à mon aise le plaisir
qu’il y a à en procurer à ce qu’on aime ; car
enfin je l’aimais véritablement. Je n’entreprendrai
point de définir un attachement dans
lequel on ne peut se proposer aucun but ; mais
enfin c’en était un, elle remplissait dans mon
cœur ce vide dont je me plaignais si souvent.
Je ne songeais déjà presque plus même aux
arrangements que je m’étais proposés ; j’étais
contente et satisfaite, je lui faisais de petites
confidences, je l’éprouvais, j’essayais sa façon
de penser ; jalouse de secrets, je désirais
qu’elle en eût à me confier ; lorsque j’étais
seule je la faisais manger avec moi. M. Démery
ne fut pas des derniers à m’en faire compliment ;
il lui trouva un air tant distingué, et
vit avec plaisir que j’avais des égards pour elle :
je découvris à n’en pouvoir douter qu’elle s’attachait
à moi, il ne me restait qu’à lui faire
perdre certains embarras, certaines rougeurs aux
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LES ÉGAREMENTS