la mélancolie dans laquelle il paraissait plongé
depuis un certain temps. Son embarras, quand
je n’aurais pas été au fait, m’en aurait bien
éclaircie : il me regarda tendrement, baissa les
yeux, et me laissa deviner sans me répondre.
Mais en conscience, ne devais-je par l’aider à
me faire l’aveu de sa passion ? Aussi le conjurai-je
de me dire le sujet de sa tristesse. Vous m’en
pressez, me dit-il, mademoiselle, et c’est le peu
d’intelligence que vous avez à le pénétrer.
La réponse était claire, mais la bienséance m’ordonna
de la trouver obscure ; et l’ayant pressé
de nouveau de me résoudre cette énigme : Je
vais, me répondit-il, vous obéir, mademoiselle,
et m’exposer en même temps à vous déplaire.
Songez surtout que le plus souvent nous ne
sommes pas maîtres des différents mouvements
qui nous déterminent.
J’ai recherché l’honneur de votre compagnie, simplement sur le pied d’aimable société ; je m’y suis indiscrètement livré, je ne me suis aperçu du danger que lorsqu’il n’était précisément plus temps de l’éviter : je me croyais à l’abri de ces mouvements impétueux qu’excitent les passions les plus violentes, il n’en était rien. C’est assez vous faire connaître, mademoiselle, la situation d’un homme qui n’est coupable que d’avoir trop vivement reçu les impressions de votre mérite ;