pour moi, qui la veille aurais honorablement
pu composer avec un millionnaire ! Quelque flatteuse
idée que certaines filles de notre profession
se fiassent du détail, je ne pouvais m’y mettre
sans achever de me discréditer, et courir d’autres
risques. Les avis de mes vieilles, au sujet de
monsieur Poupard, s’étaient, comme par un
effet de la Providence, gravés dans mon esprit ;
ils me revinrent en idée. On a raison de dire
qu’il nous reste toujours quelques-uns des principes
de l’éducation ; elles m’avaient si souvent
répété qu’on était toujours à portée de ressentir
des désirs, mais pas longtemps à même d’en
inspirer, que les ressources paisibles d’un âge
raisonnable me semblèrent alors préférables au
clinquant de la jeunesse. La grande difficulté
était de reparaître dans mon premier état, après
la perte de mes effets. À force de donner la torture
à mon imagination, je parvins au moyen
d’en imposer sur le dérangement de mes affaires.
On s’inquiète déjà sans doute qu’avec si
peu d’expérience, à l’âge de dix-sept ans, j’ai pu
parvenir à me voir en moins de deux jours aussi
brillante qu’auparavant. La Valcourt, qui s’était
montrée sensible à ma peine, et qui m’avait
témoigné une vive douleur, l’avait accompagnée
d’offres de services que son aisance lui permettait
d’effectuer. Elle ne fut pas peu surprise,
Page:Perrin - Les Egarements de Julie, 1883.djvu/107
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
91
DE JULIE