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DÉNOMBREMENTS D’ATOMES

nous n’aurions pas obtenues sans leur aide. Ce ne serait pas arracher un tuteur devenu inutile à une plante vivace, ce serait couper les racines qui la nourrissent et la font croître.



La théorie atomique a triomphé. Nombreux encore naguère, ses adversaires enfin conquis renoncent l’un après l’autre aux défiances qui longtemps furent légitimes et sans doute utiles. C’est au sujet d’autres idées que se poursuivra désormais le conflit des instincts de prudence et d’audace dont l’équilibre est nécessaire au lent progrès de la science humaine.

Mais dans ce triomphe même, nous voyons s’évanouir ce que la théorie primitive avait de définitif et d’absolu. Les atomes ne sont pas ces éléments éternels et insécables dont l’irréductible simplicité donnait au Possible une borne, et, dans leur inimaginable petitesse, nous commençons à pressentir un fourmillement prodigieux de Mondes nouveaux. Ainsi l’astronome découvre, saisi de vertige, au delà des cieux familiers, au delà de ces gouffres d’ombre que la lumière met des millénaires à franchir, de pâles flocons perdus dans l’espace, Voies lactées démesurément lointaines dont la faible lueur nous révèle encore la palpitation ardente de millions d’Astres géants. La Nature déploie la même splendeur sans limites dans l’Atome ou dans la Nébuleuse, et tout moyen nouveau de connaissance la montre plus vaste et diverse, plus féconde, plus imprévue, plus belle, plus riche d’insondable Immensité.

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