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LES LIBERTINS EN FRANCE AU XVIIe SIÈCLE.

deux mots de « Fronde » et de « Frondeurs ». Conseiller au parlement de Paris, il avait eu pour s’y conduire les mauvaises leçons, les mauvais exemples de son père. Tallemant signale les orages de sa jeunesse et même une escroquerie effrontément aggravée par un mot cynique. Paresseux comme son compère, il se démet de sa charge pour vivre dans le plaisir avec lui, avec les épicuriens du Marais, surtout avec les frères Broussin. A l’un de ces derniers est adressé le Voyage, et c’était un libertin caractérisé, s’il faut en croire ces vers :

Broussin, dès l’âge le plus tendre,
Possède la sauce Robert,
Sans que son précepteur lui put jamais apprendre
Ni son Credo ni son Pater (1).

Moins compromis que ce Broussin dans le libertinage, Bachaumont ne l’est même pas aulant que Chapelle. De loin il avait prévu et préparé sa conversion plénière, dont il n’était d’ailleurs pas si pressé qu’il ne l’ajournât à sa dernière heure. Un honnête homme, disait-il, doit vivre à la porte de l’église et mourir dans la sacristie (2).

Boileau et ses immortels amis n’avaient pas pour Bachaumont la même faiblesse que pour Chapelle, ce qui tranche entre eux la question de préséance et de rivalité. Ils ont trop peu fait l’un et l’autre pour que les goinfres aient pu voir dans l’un ou dans l’autre le barde de leur groupe. Celui à qui ils en donnaient le nom, c’était François Payot, chevalier de Linières (1628-1704). Étant du monde en sa qualité de fils d’un conseiller au Grand Conseil, sa jolie figure, son esprit prompt, ses manières séduisantes, ses chansons agréables, ses épigrammes piquantes et souvent justes lui avaient assuré un vif succès, surtout parmi les femmes. S’il était exclu des réunions d’Auteuil, c’est qu’il avait moins de tenue encore dans sa vie que Chapelle, et qu’il allait plus loin dans ses opinions. N’ayant pas su se

(1) Vers de Reminiac, cités par Voltaire, Dict. phil., art. Supplices. (2) Voy. Lundis, XI, 37 ; Le Bas, Dict. encycl. de la France, 1840 ; Lenient. Bayle, p. 4.