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LES LIBERTINS EN FRANCE AU XVIIe SIÈCLE.

L’immoralité était partout alors chez les femmes, dans le camp des croyantes comme dans celui des incrédules, chez les cartésiennes Longueville, La Fayette, Choisy, comme chez les épicuriennes La Suze, Villedieu, d’Olonne, de Surmont, Anne de Gonzague, toutes, pour employer le joli euphémisme d’un apologiste, « éprouvées par les tempêtes (4) ».

On ne saurait passer sous silence la maréchale de La Ferté. Sans doute elle s’est convertie « entre les mains de bons ouvriers » ; elle ne trouve même « rien de trop chaud ». Mme de Sévigné crie au miracle, mais croit à la sincérité ; Ninon se montre étonnée, mais ébranlée (2). Mme de Monaco inspirait moins de confiance à la marquise, ainsi qu’à bien d’autres (3). La cruelle maladie qui la fit « partir de ce monde » avait pu cependant rendre vraisemblable sa contrition ; mais point : la contrition reste « équivoque » ; — « la pitié qu’elle a faite n’a jamais pu obliger personne de faire son éloge (4) ». Et Bussy, répondant à ce dernier mot, qui lui est adressé, donne le coup de grâce : « On m’écrit que la maladie dont M mc de Monaco est morte lui a fait faire pénitence et qu’elle est de ces gens de l’Évangile qui sont payés pour la dernière heure comme ceux qui sont venus le matin. Cependant vous me mandez que personne n’a fait son éloge ; je ne l’en plains pas davantage. Le bien ou le mal qu’on dit de nous après notre mort nous est bien indifférent (5). » M me de Sévigné n’est pas en défiance au même degré. S’il faut l’en croire, M me de Monaco « a eu beaucoup de fermeté. Le Père Bourdaloue dit qu’il y avoit beaucoup de christianisme. Je m’en rapporte (6). » Le doute sur cette contrition semble bien pourtant indéracinable chez la correspondante de Bussy.

Devant ces victimes volontaires ou involontaires de

(1) Ch. Giraud, I, cccii.

(2) 15 févr. 1690.

(3) Voy. plus haut p. 158 et note 4.

(4) Mme de Sévigné, 20 juin 1678.

(5) Bussy à Mme de Sévigné, 23 juin 1678.

6) 27 juin 1678.