Page:Perrault - Les lunettes de grand'maman, 1885.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

donner à ma mère, à l’occasion de ma naissance, ces diamants restés comme une dernière épave de la fortune de la famille, tu as fait mettre du strass à la place et tu as gardé pour nous ce petit trésor. Tu t’excuses presque d’avoir laissé ce capital improductif, me dis-tu. Qu’importe, va ! Ton but est ainsi bien plus sûrement atteint, car, m’étant toujours cru pauvre, j’ai pris l’habitude du travail, et maintenant j’en ai le goût.

Il y avait autour des branches de tes lunettes pour quatre-vingt mille francs de diamants… Pauvre grand’mère ! Je me souviens du soir où je te surpris appelant tes lunettes à ton secours… C’est la plus petite des pierres que tu as enlevée ce jour-là de leur singulier écrin. Deux autres ont pourvu à mon éducation. « Puisse le reste t’aider à être heureux comme je le souhaite ! » murmurais-tu.

Ah ! grand’mère vénérée, pourquoi m’as-tu été enlevée sitôt ? Pourquoi n’es-tu plus là, dans ce fauteuil que tu as occupé si longtemps ?… Pourquoi n’est-ce pas ta voix qui me dit tout ce que je viens de lire ? Ta lettre a ouvert mes yeux, obstinément aveuglés à ton égard. D’aujourd’hui seulement je t’aime autant que tu le mérites, et il me sembla que c’est tout à l’heure, en lisant ton adieu, que je t’ai perdue.