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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

j’ai lu… j’ai pleuré… j’ai relu et il pleure encore en écrivant ces lignes que j’ajoute à mes souvenirs.

Ainsi c’est bien vrai, grand’mère, tu m’aimais aussi tendrement que mon père et ma mère… seulement, tu me voulais heureux, non pas tout de suite, comme ces chers parents trop faibles pour moi, mais toujours.

Et, pour cela, il fallait faire plier ma nature rebelle, orgueilleuse, égoïste ; m’armer pour la lutte de la vie, m’habituer à la pauvreté pour me forcer au travail, sans lequel une existence ne peut être ni utile ni bien remplie… Tu me dis tout cela ?

Tu t’es privée de toutes les petites douceurs auxquelles était habituée ta vieillesse, pour me donner l’exemple de la frugalité. Tu as condamné ton visage à paraître sévère, pour m’inspirer une crainte que mon caractère insoumis rendait indispensable, et, à ta dernière heure seulement, tu as laissé parler toute ta tendresse. Je ne la méritais pas, grand’mère, car alors j’étais un ingrat.

Ces diamants dont la présence me semblait, tout à l’heure encore, tenir du prodige… c’est la fortune que ta prévoyante affection m’a gardée. Lorsque tu as vu, me dis-tu, que la générosité de mon père l’entraînait à de folles dépenses, tu as tremblé pour mon avenir, et, au lieu de