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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

morceau de fait ; mais il était si appétissant que j’en aurais bien voulu une tartine.

« Donne-moi ce beurre, » demandai-je à Gertrude.

Grand’mère entendit :

« Si ta journée s’est bien passée, si tu as été sage à l’école, tu l’auras à ton goûter, je te le promets. »

Je partis content.

J’avais, ce jour-là, huit sous dans ma poche, prix des bons points de la semaine précédente. Ceci résultait d’un contrat passé entre ma grand’mère et moi. Elle me donnait un sou par bon point, dix sous par place de premier, et ces ressources formaient l’argent de mes menus plaisirs.

Mes plus grandes dépenses étaient les toupies et les sucres d’orge.

Comme je sortais du jardin tout seul (car, approchant de ma dixième année, j’allais à l’école sans être accompagné), je rencontrai à quelques pas du jardin une petite mendiante qui s’avança vers moi. J’avais justement la main dans ma poche, et je faisais gaiement danser mes sous, en songeant à leur emploi.

La petite entendit sans doute ce joli tapage, car elle murmura en tendant la main :

« La charité, mon bon monsieur.