Page:Perrault - Les lunettes de grand'maman, 1885.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
72
LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

J’eus l’idée infernale d’enfermer Prudence et Rapine, qui se détestaient, dans une cage que J’avais trouvée au grenier.

Quand ma grand’mère rentra de la messe, elle vit Rapine acculée dans un angle et prête à s’élancer sur la petite chienne qui, tremblante de peur, essayait de garer ses yeux avec ses pattes.

À trois pas d’elles, Je regardais, en riant aux éclats. la comédie que Je m’étais offerte.

Ma grand’mère passa près de moi, sans rien dire, ouvrit la porte de la cage, et, non sans peine, en sortit la vieille Prudence, qui était sa préférée.

Puis, l’emportant dans ses bras, elle me jeta un regard indigné et s’éloigna en murmurant :

« Je m’étais abusée, hélas ! cet enfant n’a pas de cœur. »

Il s’écoula plus d’un an sans que mon caractère subît une grande amélioration.

Le contact de mes camarades, qui ne craignaient pas mes colères et se moquaient sans cesse de mon orgueil avait fini par modifier un peu ma nature de ces deux côtés-là ; mais j’étais resté égoïste et gourmand.

Un matin, en partant pour l’école, je vis Gertrude en train de battre le beurre. Il n’y en avait encore qu’un petit