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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

temps de faire des sottises, j’étais moins souvent grondé ou puni. Mais les lunettes me troublaient toujours autant, et je ne m’attachais pas beaucoup plus à ma grand’mère.

Un jeudi du mois d’avril, j’errais au jardin, un peu désœuvré, quand je vis au pied d’un mur quelques belles touffes de violettes en fleur. Je les considérai un moment tout pensif… puis tout à coup un nom sortit de mes lèvres… de mon cœur plutôt : « Maman. »

Quand j’étais tout petit, nous avions l’habitude, mon père et moi, d’aller après le déjeuner, pendant que maman faisait sa toilette, nous promener sur une terrasse si bien abritée et si chaude qu’il y fleurissait des violettes en toutes saisons.

Nous deux papa, nous faisions un bouquet et nous le portions à petite mère, qui le mettait à son corsage et nous embrassait en nous disant merci.

Je me mis à genoux et je fis mon bouquet en songeant à tout cela. Quand il fut terminé, les fleurs étaient toutes mouillées… J’avais pleuré sans m’en apercevoir.

« À qui le donner ? » me demandais-je tout en marchant vers la maison.

J’entrai dans la chambre de grand’mère. Elle venait de terminer sa sieste. Elle me sourit.