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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

cou de grand’mère, soutenant une sorte d’étui qu’elle glissait entre les plis de son fichu.

Bien certainement, les lunettes devaient y être. Ainsi elle ne les quittait jamais. A-t-on de telles précautions pour un objet sans valeur ?

J’avançai la main, et, soulevant doucement l’étui dont la couleur sombre se détachait sur la blancheur du drap, je l’ouvris.

Ô bonheur ! il contenait bien les lunettes. Je m’en emparai vivement ; mais je restai stupéfait en sentant leurs branches enfermées dans leurs gaines de soie, épaisses à tel point que j’eus peine à les faire tenir sur mes tempes et derrière mes oreilles.

C’est égal, j’avais réussi ! J’étais enfin maître du talisman de grand’mère.

Je regardai dans les gros verres bleus, mais je ne vis absolument rien au travers, que des ombres flottantes, grossies et d’aspect tourmenté.

On me croira sans peine si je dis que ma conscience était encore plus troublée que mes yeux.

Tout à coup, derrière moi, il me sembla entendre comme le bruit léger d’un rideau qu’on soulève. J’eus une belle peur, mais je n’osai pas me retourner.