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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

du potager, et je l’approchai du jus. Cela ne voulut pas flamber, à mon grand désespoir. De plus, il arriva un petit malheur. Je lâchai le charbon, qui tomba dans la sauce.

Comment le retirer ? Vite, une cuillère. Mais si, avant, j’essayais de mettre le feu avec une allumette… J’en étais à promener l’allumette enflammée sur la sauce, quand j’entendis marcher.

Pris d’épouvante, je la lâchai… elle alla rejoindre le charbon, et je n’eus que le temps de couvrir cet étrange amalgame et de m’enfuir dans la chambre : Gertrude entrait.

« Ah ! s’écria-t-elle, que ce foie de veau sent bon. Je me réjouis d’en manger. »

C’était un foie de veau… Qu’avais-je fait ?

Ce n’est pas sans une certaine appréhension que je me ’ mis à table. Ce qui me tracassait surtout, c’était l’allumette et le morceau de charbon. Enfin on apporta ce maudit plat auquel j’avais contribué, croyant faire merveille, et ma grand’mère s’apprêta à le découper. Mais elle s’arrêta, la fourchette piquée dans la viande et le couteau en arrêt, sur quelque chose qu’elle regardait d’un air stupéfait.

« Ma pauvre fille, je ne sais où vous avez la tête, s’écria-t-elle. Voilà à présent une allumette dans cette sauce.