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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

Je restai toute la journée silencieux à songer, et, pour la première fois peut-être, je me laissai déshabiller docilement sans me mettre en colère et sans tourmenter ma bonne.

Le jour de l’enterrement, je vis beaucoup de monde. Toutes les chambres étaient ouvertes, les salons du premier, tout.

Je demandai papa. On me montra un grand drap noir bordé d’argent qui disparaissait presque sous les fleurs, et l’on me dit que mon père était dessous, et qu’il serait bientôt au ciel, près de maman.

« Alors qu’il m’emmène, qu’il m’emmène ! » m’écriai-je en fondant en larmes.

Hélas ! il n’était pas en son pouvoir d’exaucer mon désir.

Quand tout le monde fut parti, j’errai par la maison, tout seul, sans que personne s’occupât de veiller sur moi. Je n’ai jamais éprouvé, depuis, un pareil sentiment d’isolement et d’abandon.

Mais, dans la nuit, la vieille dame, ma grand’mère, revint, et le lendemain elle assistait à mon réveil.

Son visage me sembla moins sévère que la première fois. Elle se pencha sur mon petit lit et m’embrassa, en me demandant si je la reconnaissais.