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PEAU D’ÂNE.

Mon père et ma mère, leur dit-il, je n’ai point dessein de faire une alliance qui vous déplaise ; et pour preuve de cette vérité, dit-il en tirant l’émeraude de dessous son chevet, c’est que j’épouserai celle à qui cette bague ira, quelle qu’elle soit, et il n’y a pas d’apparence que celle qui aura ce joli doigt soit une rustaude ou une paysanne. Le roi et la reine prirent la bague, l’examinèrent curieusement, et jugèrent, ainsi que le prince, que cette bague ne pouvait aller qu’à quelque fille de bonne maison.

Alors le roi, ayant embrassé son fils en le conjurant de guérir, sortit aussitôt, fit sonner les tambours, les fifres et les trompettes par toute la ville, et crier par les hérauts que l’on n’avait qu’à venir au palais pour essayer une bague, et que celle à qui elle irait juste épouserait l’héritier du trône.

Les princesses d’abord arrivèrent, puis les duchesses, les marquises et les baronnes ; mais elles eurent beau toutes s’amenuiser les doigts, aucune ne put mettre la bague. Il en fallut venir aux grisettes, qui, toutes jolies qu’elles étaient, avaient toutes les doigts trop gros. Le prince, qui se portait mieux, faisait lui-même l’essai. Enfin on en vint aux filles de chambre : elles ne réussirent pas mieux. Il n’y avait plus personne qui n’eût essayé cette bague sans succès, lorsque le prince de-