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CONTES DES FÉES.

que feue sa femme, pensant que cela était impossible. Mais le conseil traita de babiole une telle promesse et dit qu’il importait peu de la beauté, pourvu qu’une reine fût vertueuse et point stérile, que l’État demandait des princes pour son repos et sa tranquillité ; qu’à la vérité l’infante avait toutes les qualités requises pour faire une grande reine, mais qu’il fallait lui choisir un étranger pour époux, et qu’alors, ou cet étranger l’emmènerait chez lui, ou que, s’il régnait avec elle, ses enfants ne seraient plus réputés du même sang, et que, n’y ayant point de prince de son nom, les peuples voisins pouvaient leur susciter des guerres qui entraîneraient la ruine du royaume. Le roi, frappé de ces considérations, promit qu’il songerait à les contenter.

Effectivement, il chercha parmi les princesses à marier qui serait celle qui pourrait lui convenir. Chaque jour on lui apportait des portraits charmants, mais aucun n’avait les grâces de la feue reine ; ainsi il ne se déterminait point. Malheureusement il devint tout à fait fou, quoiqu’il eût beaucoup d’esprit, et s’avisa de trouver que l’infante sa fille était, non-seulement belle et bien faite à ravir, mais qu’elle surpassait encore de beaucoup la reine sa mère en esprit et en agrément : sa jeunesse, l’agréable fraîcheur de son beau teint, enflamma le roi d’un feu si violent,