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PEAU D’ÂNE.

— Non, non, dit-il enfin, ma chère reine ; parlez-moi plutôt de vous suivre.

— L’État, reprit la reine avec une fermeté qui augmentait les regrets de ce prince, l’État, qui doit exiger des successeurs, voyant que je ne vous ai donné qu’une fille, doit vous presser d’avoir des fils qui vous ressemblent : mais je vous demande instamment, par tout l’amour que vous avez eu pour moi, de ne céder à l’empressement de vos peuples que lorsque vous aurez trouvé une princesse plus belle et mieux faite que moi ; j’en veux votre serment, et alors je mourrai contente. On présume que la reine, qui ne manquait pas d’amour-propre, avait exigé ce serment, pensant bien, ne croyant pas qu’il fût au monde personne qui pût l’égaler, que c’était s’assurer que le roi ne se remarierait jamais. Enfin elle mourut. Jamais mari ne fit tant de vacarme : pleurer, sangloter jour et nuit, menus droits de veuvage, furent son unique occupation.

Les grandes douleurs ne durent pas. D’ailleurs les grands de l’État s’assemblèrent, et vinrent en corps demander au roi de se remarier. Cette proposition lui parut dure, et lui fit répandre de nouvelles larmes. Il alléguait le serment qu’il avait fait à la reine, défiant tous ses conseillers de pouvoir trouver une princesse plus belle et mieux faite