Page:Perrault - Contes des fées, 1886.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
CONTES DES FÉES.

ticulière et distinguée. Les vertus de ce rare animal méritaient cette distinction, puisque la nature l’avait formé si extraordinaire, que sa litière, au lieu d’être malpropre, était couverte tous les matins, avec profusion, de beaux écus au soleil et de louis d’or de toute espèce, qu’on allait recueillir à son réveil.

Or, comme les vicissitudes de la vie s’étendent aussi bien sur les rois que sur les sujets, et que toujours les biens sont mêlés de quelques maux, le ciel permit que la reine fut tout à coup attaquée d’une âpre maladie, pour laquelle, malgré la science et l’habileté des médecins, on ne put trouver aucun secours. La désolation fut générale. Le roi, sensible et amoureux, malgré le proverbe fameux qui dit que l’hymen est le tombeau de l’amour, s’affligeait sans modération, faisait des vœux ardents à tous les temples de son royaume, offrait sa vie pour celle d’une épouse si chérie ; mais les dieux et les fées étaient invoqués en vain.

La reine, sentant sa dernière heure approcher, dit à son époux qui fondait en larmes : Trouvez bon, avant que je meure, que j’exige une chose de vous ; c’est que, s’il vous prenait envie de vous remarier… À ces mots, le roi fit des cris pitoyables, prit les mains de sa femme, les baigna de pleurs, en l’assurant qu’il était superflu de lui parler d’un second hyménée.