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LA BELLE AU BOIS DORMANT.

rien mangé de si bon. Il avait emporté en même temps la petite Aurore, et l’avait donnée à sa femme pour la cacher dans le logement qu’elle avait au fond de la basse-cour. Huit jours après, la méchante reine dit à son maître d’hôtel : — Je veux manger à mon souper le petit Jour. Il ne répliqua pas, résolu de la tromper comme l’autre fois. Il alla chercher le petit Jour, et le trouva avec un petit fleuret à la main, dont il faisait des armes avec un gros singe ; il n’avait pourtant que trois ans. Il le porta à sa femme, qui le cacha avec la petite Aurore, et donna, à la place du petit Jour, un chevreau fort tendre, que l’ogresse trouva admirablement bon.

Cela était fort bien allé jusque-là ; mais un soir, cette méchante reine dit au maître d’hôtel : — Je veux manger la reine à la même sauce que ses enfants. Ce fut alors que le pauvre maître d’hôtel désespéra de la pouvoir encore tromper. La jeune reine avait vingt ans passés, sans compter les cent ans qu’elle avait dormi ; sa peau était un peu dure, quoique belle et blanche ; et le moyen de trouver dans sa ménagerie une bête aussi dure que cela ! Il prit la résolution, pour sauver sa vie, de couper la gorge à la reine, et monta dans sa chambre dans l’intention de n’en pas faire à deux fois. Il s’excitait à la fureur, et entra le poignard à la main dans la chambre de la